Panorama sur le cinéma européen
Les plateformes de streaming connaissent un succès fulgurant. Comment le cinéma, peut-il se démarquer face à toutes ces innovations ?
Nous sommes à une époque où l’on ne paie plus un pass mensuel pour aller au cinéma en famille, mais un abonnement Netflix. Cela voudrait-il dire que l’industrie du 7ème art est moribonde ? L’âge d’or du cinéma est-il révolu ?
En Europe, le cinéma est de plus en plus snobé. Difficile en même temps, de rivaliser avec l’ensemble des succès provenant d’Hollywood. C’est à travers les collaborations internationales que les pays européens arrivent à tirer leur épingle du jeu. Italo-françaises, franco-allemandes, franco-belge… La stratégie est simple : s’allier pour espérer régner.
Je te tiens, tu me tiens par la barbichette…
En Europe, 53,6% de la production cinématographique est couverte par 6 pays sur 36 : Royaume-Uni, France, Allemagne, Belgique, Espagne et Italie, selon un rapport de l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel en 2016.
C’est dans cette conjoncture que la dynamique de la co-production est née. Beaucoup de ces pays souhaitent rivaliser avec Hollywood, et voir leur œuvre s’exporter. D’ailleurs, une des alliances qui fonctionne à la perfection est la franco-belge : 207 films sur 5 ans.

Autre donnée importante de ce rapport, l’évolution des formats proposés sur grand écran. Le fameux film, avec un héros, une intrigue, une histoire d’amour, un élément perturbateur et une happy ending n’est plus roi.
Aujourd’hui le cinéma européen fait évoluer sa recette et propose de plus en plus de moyens/longs métrages à caractère documentaire. Leur nombre a presque doublé en 2016 pour offrir 698 films. Ce résultat donne une perspective encore plus réaliste des sujets traités et prouve que de nos jours, le public est en quête de vérité.
En mars dernier, est sorti en France un long-métrage documentaire intitulé « Lourdes » qui met exergue le pôle d’attraction spirituel qu’est cet endroit. C’est avec beaucoup d’élégance et de délicatesse que les réalisateurs Thierry Demaizière et Alban Teurlai dépassent les a priori. Le résultat vous prend aux tripes.
Au même titre que les documentaires, un autre secteur du cinéma français se porte bien et ne cesse de monter en gamme à l’international : le film d’animation.
Film d’animation : fleuron de l’industrie cinématographique française
On a tendance à dissocier totalement les œuvres cinématographiques interprétées à l’écran par des êtres humains et le film d’animation. Pourtant l’animé est une composante importante du cinéma français.
Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a publié en 2015 son rapport annuel, dressant le panorama des principales tendances économiques du secteur.
Le bilan estimé à l’époque : 1 331,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires ! Une année historique pour le cinéma français.
Dans le même temps, on comptabilise à l’époque 205 millions d’entrées en salles démontrant ainsi que 66% des Français sont férus de grand écrans.
Si ces chiffres sont excellents, c’est majoritairement dû à la bonne santé des films d’animation en France. Des œuvres comme : « Le Petit Prince », « Mune » ou encore « Astérix le domaine des dieux ».
Nous sommes certes encore loin des cartons au box-office de Walt Disney, avec le Roi Lion par exemple. Il est important de comprendre que cette particule du cinéma français est une branche florissante, qui ne cesse d’évoluer et dans laquelle les investissements se sont vu doubler sur les 3 dernières années.
L’animation : du cinéma européen à la scène internationale ?
En 2016, 700 postes ont été créés grâce aux films d’animation. Selon Le Monde, « les dépenses réalisées en France dans tout le secteur de l’animation ont doublé en deux ans, grâce au crédit d’impôt audiovisuel entré en vigueur en 2016 ».
Cela permet à l’animation française de s’octroyer une place de choix sur la scène internationale. Les films d’animation français sont en effet le premier genre audiovisuel français à l’export : 29 films d’animation français se sont exportés en 2017, pour un total de 15 millions d’entrées.
Il faut également noter que les séries d’animation pour la télévision ne se sont jamais mieux vendues qu’en 2016 : on note un record historique de 75 millions d’euros, soit près de 50% de plus qu’en 2015.
Ces succès sont évidemment dus au dynamisme des studios d’animation français et à l’originalité de leurs productions. Ce ne sont plus les cartoons américains comme Tom & Jerry dans les années 90 que suivent avidement les enfants. Depuis le début des années 2000, c’est avec Oggy et les Cafards qu’ils s’éveillent le matin.
Alors le 7ème art européen, pas si moribond que ça finalement ? Ne crions pas victoire trop vite, car certains changements institutionnels récents pourraient bouleverser radicalement le fonctionnement de cette industrie. Notamment quand ces changements concernent le CNC, Centre national du cinéma et de l’image animée.
« God Save the Queen »
Récemment, Frédérique Berlie a décidé de quitter son poste de directrice du CNC. Ce qui modifie drastiquement l’écosystème institutionnel du cinéma français. On apprend suite à des sorties presses, que c’est Dominique Boutonnat qui est pressenti pour prendre la présidence du CNC.
Ce même Dominique, qui pendant la campagne présidentielle s’est montré être un soutien financier affiché à Emmanuel Macron. Dominique Boutonat est aux yeux de certains poids lourds du cinéma français une vraie menace. Au point même, que Jacques Audiard et Mathieu Almaricune, se sont adressés au Président de la République à travers une lettre ouverte, afin d’empêcher à tout prix sa nomination. Certains ressentent cette nouvelle ère au sein du CNC, comme la fin du cinéma d’auteur. Sans doute la branche la plus représentée au sein de ce pays.
Cette nomination va-t-elle changer la donne au sein de l’industrie cinématographique ? Va t-elle insuffler un nouveau mode de fonctionnement davantage basé sur le rapport qualité/prix, que la sensibilité artistique ? Moins de « produits culturels » comme le nouveau président s’est tenté de qualifier certaines œuvres, et plus de « films à sous » ?
Tout reste à voir.
« Les films deviennent chers quand ils sont faits par des prétentieux » Jean-Pierre Mocky.